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De clichés en clichés, je traverse le temps.
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De clichés en clichés, je traverse le temps.
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20 août 2006

~ C'eSt L'HisToIrE d'Un PiaNistE

pianiste_photoC’est l’histoire d’un pianiste. Il vit au septième étage d’un immeuble de gris froid, secoué par le vent et tâché par la pluie. Un froid à faire geler un fantôme et grelotter un iceberg. Les fenêtres elles-mêmes semblent frémir de pâleur. On dirait des bouches béantes qui hurlent à l’agonie. Il n’y a que les rideaux, se balançant aux barreaux au rythme du blizzard, qui semblent encore nous faire signe de vie. Ce pianiste, il n’est pas très vieux. Il n’est pas vraiment jeune non plus. Il est comme vous et moi, quoi qu’un peu plus anonyme. Un visage comme les autres, bien qu’un peu plus banal, qui passe inaperçu dans les foules et que l’on ne distinguerai même pas dans la pénombre à quelques mètres de soi. Pas comme ceux qui s’accroche discrètement à votre ombre et semblent vous suivre à travers les ruelles d’une ville inconnue, que vous devinez sur vos pas et ne vous lâche discrètement plus avant de s’être emparé de leur dû. Non, celui-ci n’a pas d’odeur. Il n’a pas de visage. Seulement quelques traits, un peu classiques eux aussi. Les pommettes légèrement saillantes, les cernes à peine marquées par la fatigue, les joues invisiblement creuses et le front faussement large, et encore, faut-il le remarquer.

Cet appartement est également gelé, mais pas seulement en apparence. Un esquimau en aurait les doigts gercés. Mais pour le pianiste, c’est maigre importance. Il ne vit pas dedans. Il préfère se réfugier dans les quelques bouillonnantes notes de musique qui émanent de son piano plutôt que de se confronter au regard glacé des passants. D’ailleurs ces notes de musique occupent toutes les pièces de l’appartement. Elles sont entassées dans les chambres, la cuisine, les toilettes, la baignoire, le frigo, sous les draps du lit et même dans le poste de télévision, que l’on a démonté pour lui permettre d’accueillir quelques notes qui n’avaient que pour seul refuge la corbeille de linge sale qui traîne à côté de la porte d’entrée.

Notre pianiste est assis face à son piano, entreposé dans le salon, le regard recouvert de paupières. Son corps reste immobile. On aurait dit qu’un maçon fantôme l’aurait enduit d’un plâtre invisible pour compléter sa collection de statues humaines. Seules ses mains et ses doigts cognent, frappent frénétiquement les noires et les blanches du piano à queue qui, d’un cri strident, répondent à l’appel du pantin désarticulé assis sur l’essoufflé tabouret de pianiste. Les voisins ont déserté l’immeuble. Les armées symphoniques transperçaient les murs. Le pianiste n’a répondu a aucun de leur appel. Les coups de téléphones ont été sans résultat. La porte n’en a même pas eu une égratignure. Alors le pianiste joue, encore et encore, mélodie sur mélodie, harmonie sur harmonie, complainte sur complainte, le regard recouvert de paupière, le front faussement large, les pommettes légèrement saillantes, dans l’anonymat le plus complet.

Ce musicien là, dans son costume de croque pas encore mort, il traduit aux fantômes les émotions qu’il n’arrive pas à transmettre aux vivants. Vous comprenez, avec un visage aussi effacé, pas facile de se faire remarquer, et encore moins de se faire comprendre. Et à quoi bon s’efforcer d’en étirer les muscles si c’est pour faire ressortir sur un visage gommé des expressions aux tons blancs. Ce musicien là, dans son costume de croque pas encore mort, il traduit aux fantômes les émotions qu’il n’arrive pas à transmettre aux vivants. Ce n’est pas seulement sa passion, ni son passe-temps, c’est tout simplement son existence. Au fil des heures, des minutes, cousues seconde après seconde, le pianiste tricote des mélodies de laine noire et blanche pour réchauffer son cœur endolori par le froid d’une vie sans rencontre.
p

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Commentaires
E
Oui j'adore moi aussi, je m'y retrouve en plus
A
J'aime beaucoup ce texte, et ceci dit, la présentation aussi.
A
c'est à travers ses oeuvres qu'un artiste se sent vivre. Ce pianiste, transparent aux yeux des passants ne vit que par sa musique, ses notes sont pour lui le seul moyen d'exprimer la tristesse qui l'habite.Ce froid qui l'entoure de tte part,c'est un etre qui erre dans le monde,il recherche la lumière et la chaleur. Pour le moment seule sa musique le réchauffe un peu...mais c'est aussi cet appartement glacial en entier qui doit devenir chaleureux pour que ce musicien ne soit plus pétrifié mais bel et bien vivant et heureux!
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